Franschhoek

 

 

 

 

Franschhoek, le « coin des Français » en Afrique du Sud.

Au détour de la route des vins, à quelques dizaines de kilomètres du Cap, Franschhoek est la seule ville « francophone » d'Afrique du Sud. Du moins le prétend-elle.

Ici, les producteurs de vins ne sont pas des winemakers mais des vignerons. Leurs propriétés s'appellent « La Motte », « Haute Cabrière », « La Dauphine » ou « La Provence ». Dans la rue principale du village, les restaurants portent des noms aussi français que mystérieux pour les autochtones, comme « Le ballon rouge », « Le bon vivant » ou « La Bouillabaisse ». On boit une bière au « Bistrot », on achète des souvenirs et babioles au « Moi », des robes anciennes au « Penchant », et on va chercher ses nouvelles lunettes au « Pinz Nez ».

Et pourtant, dans cette petite ville de 16000 habitants, absolument personne ne parle le français. La ville exploite simplement son passé, quand elle était le « Coin des Français », Franschhoek, en Afrikaans. Ils s'appelaient de Villiers, Hugo, Malherbe, Rousseau, du Pré ou Malan, ils étaient tous des huguenots, des calvinistes, et avaient quitté la France après la révocation de l'édit de Nantes, en 1685, pour échapper aux persécutions.

Nombreux trouvèrent asile en Hollande. Partis quasiment sans rien, les huguenots n'avaient guère le choix de leur emploi, et beaucoup s'engagèrent sans conviction ni envie au service de la Compagnie hollandaise des Indes orientales. La compagnie venait d'ouvrir un comptoir au Cap, pour ravitailler les navires en route pour les Indes.

Le révérend Pierre Simond essaya de maintenir l'usage de la langue française, mais la politique du gouverneur était clairement de favoriser l'assimilation de ses nouveaux venus. La plupart étaient regroupés et les autorités veillèrent à ce que des fermes hollandaises s'installent entre les propriétés des francophones.

En 1689, Pierre Simond, à la tête d'une délégation de huguenots, alla demander que le culte soit dit en français. La réponse fut un non cinglant. « Ils étaient presque tous illettrés, ils avaient du mal à s'organiser en tant que communauté, un tiers d'entre eux venaient de Provence, un tiers des Flandres, ils parlaient la langue de leur région. Sans compter que beaucoup avaient déjà passé pas mal de temps en Hollande avant d'embarquer et maîtrisaient le Hollandais », explique Juna Malherbe, historienne et généalogiste au Musée des huguenots.

Trente ans après l'arrivée des premiers colons, vingt-cinq personnes seulement parlaient encore leur langue maternelle. Une génération plus tard, il n'y avait plus un francophone dans la colonie. Les huguenots faisaient alors partie de la communauté qui plus tard allait s'appeler les Afrikaners; leur langue était l'Afrikaans, un dialecte proche du néerlandais du XVII° siècle mâtiné de quelques influences indiennes et zoulous.

La Société des huguenots, fondée en 1953, gère entre autres le Musée des huguenots et a permis la construction du mémorial, un monument commémorant la liberté reconquise des protestants français. Composé de trois arches représentant la Trinité dominant une femme se libérant de ses chaînes, le monument est situé au bout de la rue principale du village.

Le musée, à quelques mètres du mémorial, accueille chaque année environ 60000 visiteurs dont 40% sont des Français. On y trouve de nombreuses bibles, des objets usuels, assiettes, verres, horloges, longues vues, quelques tenues d'époque, des jouets d'enfants en porcelaine, quelques peintures et des portraits d'hommes et de femmes austères, le visage fermé, comme il convenait alors de poser.

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