Le Loch Ness

 

 

 

 

Une dernière écluse, et nous sommes sur le Loch Ness universellement connu, et hébergeant son célèbre monstre.

De forme très allongée, le loch s'étend sur environ 39 km et sa largeur varie de 1,2 à 3 km . Situé sur le parcours de la faille géologique du Great Glen qui correspond à la ligne des lochs, sa profondeur maximale est de 272m. Avec 56,4km2, c'est le deuxième lac d'Écosse le plus grand en superficie, après le Loch Lomond, mais le plus grand en volume (7,5km3), car il est plus profond. Grâce à un système de pompes et de turbines, ses eaux sont utilisées pour produire de l'électricité.

L'Écosse a toujours été réputée pour ses légendes de monstres évoluant dans les eaux profondes des rivières et des lochs. Ces créatures aquatiques sont des dragons des eaux celtes qui gardaient jadis le trésor de chefs enterrés dans le loch, des kelpies ou « chevaux des eaux », qui ont la particularité de noyer les voyageurs imprudents. Jadis, les parents défendaient à leurs enfants de se baigner dans les profondes rivières, craignant que les esprits des eaux ne les emportent.

La légende du monstre pourrait également avoir pour origine un récit hagiographique, la Vita Columbae qui raconte un miracle de Saint Colomba, un moine irlandais. En 565, il aurait sauvé l'un de ses disciples d'une mort certaine alors qu'il tentait de traverser le lac à la nage pour ramener une barque échouée : un épouvantable monstre fit brusquement surface et se précipita sur lui, « avec de grands rugissements et la gueule ouverte ». Saint Colomba fit un signe de croix et invoqua la puissance de Dieu, en criant au monstre de ne pas toucher le malheureux.

Les récits mythologiques et les témoignages sur la présence d'un monstre ont pu s'accumuler en raison de la présence dans le loch d'une couche thermique d'inversion à l'origine de mirages à la surface du lac qui peuvent faire croire à un tronc d'arbre redressé ou donner une apparence grotesque à toutes sortes d'objets. Cette inversion thermique est également à l'origine de vagues sans vent qui peuvent faire dériver à contre-courant un tronc d'arbre, donnant l'impression d'un long sillage créé par une créature qui nage en remontant ce courant. Des phoques ou des loutres qui entrent parfois dans le loch Ness en passant les écluse ont également pu alimenter ces légendes, leur silhouette pouvant être agrandie par le phénomène de réfraction atmosphérique.

Selon Neil Clark, paléontologue et conservateur du musée Hunterian de l'université de Glasgow, la croyance populaire au sujet de l'existence du monstre serait seulement l'effet d'« un magnifique exemple de marketing ». En effet, plusieurs rumeurs courent que l'invention du monstre serait due à un certain Bertram Mills, directeur de cirque de son état. En 1933, lors d'une tournée en Écosse, il faisait baigner longuement ses éléphants dans l'eau des lochs. Les gens d'alors qui n'avaient jamais vu un éléphant étaient particulièrement impressionnés par ces animaux dont « seuls la trompe, le haut de leur tête et de leur dos étaient visibles. L'impression était alors celle d'un animal avec un long cou et deux bosses, et peut être davantage s'il y avait plus d'un animal ». Amusé par cette méprise, Mills offrit jusqu'à 20 000 livres, ce qui correspond à 1 million d'Euros, à quiconque capturerait le monstre pour sa ménagerie. Il était conscient de l'énorme publicité que cela allait engendrer, sans beaucoup de risques financiers.

Un autre coup de marketing pourrait être à l'origine de cette légende. Le couple Mackay, gérant du « Drumnadrochit Hotel », revient d'Inverness en voiture le 14 avril 1933, et raconte voir un monstre ressemblant à une baleine s'ébrouer pendant une minute avant de plonger. Narrant cette aventure à leur ami Alex Campbell, jeune garde-pêche et journaliste amateur, ce dernier publie dans le journal local l'Inverness Courrier cette anecdote dans un article du 2 mai sous le titre « A Strange Spectacle on Loch Ness », article bientôt repris par la presse londonienne, ce qui déclenche cette année-là une série d'« apparitions » et une vague touristique qui fait gonfler les réservations dans l'hôtel des MacKay.

La première photo officielle du monstre date du 12 novembre 1933. Elle est prise par Hugh Gray. Floue et de mauvaise qualité, elle est aussitôt publiée par le Glasgow Daily Record et le Daily Sketch de Londres. Les sceptiques ont estimé que la forme grise était celle d'un labrador jouant dans l'eau, un bâton dans la gueule.

La photo la plus célèbre du monstre du Loch Ness, réalisée en 1934, montre la tête et le cou de l'animal émergeant du lac, entouré de cercles concentriques formés par l'eau. Elle est publiée le 21 avril 1934 dans le Daily Mail et fait sensation car elle est nette et évoque un plésiosaure. Son auteur, le gynécologue londonien Robert Kenneth Wilson, prit une photo du monstre sur ordre du gouvernement. La photo fit le tour du monde, mais, quelques années plus tard, Robert Kenneth Wilson avoua que la photo était un canular : il s'agissait d'un jouet. Il a même avoué que c'était lui qui avait tracé sur la berge de prétendues traces du monstre. Il en existe d'ailleurs une deuxième, montrant la tête de l'animal sous un angle différent, au moment de l'immersion.

Le 7 décembre 1975, un article du Sunday Telegraph évoque un canular mais ne reçoit pas d'écho, jusqu'aux aveux de Christian Spurling lors d'un entretien auprès de deux auteurs anglais, peu avant son décès, en 1993 et à la parution en 1999 du livre Nessie – the Surgeon's Photograph Exposed qui détaille la thèse du canular : au milieu des années 1930, la compétition entre les cinq principaux quotidiens britanniques pour obtenir un cliché de qualité du monstre était intense. Le Daily Mail engage alors le chasseur de gros gibier Marmaduke Wetherell pour traquer Nessie. Wetherell publie à la fin de l'année 1933 les empreintes du monstre qui se révèlent, après l'analyse des scientifiques du British Museum, celles d'un hippopotame. Humilié par ses employeurs du Daily Mail, il se serait vengé en un réalisant un montage grossier avec un sous-marin pour enfant affublé d'une tête sculptée par son gendre Christian Spurling. Pour donner de la crédibilité à sa photo, il aurait demandé à Wilson, une de ses connaissances, d'endosser la paternité du cliché.

En 1961 fut officiellement créé le Loch Ness Phenomena Investigation Bureau (Bureau d'enquêtes sur les phénomènes du Loch Ness).

Plusieurs expéditions ont été menées pour tenter de trouver la « créature ». Dans les années 1930, les volontaires ont essayé de l'attraper avec de simples outils : tonneaux, fils de pêche, hameçons et morceaux de poisson en guise d'appât. Aujourd'hui, c'est à l'aide de moyens sophistiqués comme des submersibles, radar naval, sonar et même des webcam que les scientifiques espèrent identifier ou capturer la bête. Plusieurs échos signalant la présence de « grandes masses non-identifiées en mouvement » et de cavernes sous-marines ont été enregistrées par les appareils mais il s'agit d'artefacts car le soubassement du loch est en granite et en schiste, ne pouvant donc pas abriter de grottes sous-marines.

Bien qu'il s'agisse d'un canular, le monstre continue de susciter la curiosité : en 2015 d'après Google, il est à l'origine de 200 000 recherches sur Internet par mois et 150 000 demandes d'informations touristiques afin de se rendre sur les lieux.

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